Dorothée Lécallier nous présente une étude sur l’utilisation de l’entretien motivationnel dans l’accompagnement d’adolescents présentant un diabète. Une recherche qui souligne l’intérêt de l’EM pour favoriser les modifications de comportement rendues nécessaires par la maladie.

Il s’agit du premier essai randomisé contrôlé et multicentrique, sur l’entretien motivationnel chez les adolescents diabétiques. Cette étude s’est déroulée dans le sud du pays de Galles et a fait suite à une étude de faisabilité2 déjà concluante qui avait permis d’expérimenter et de faire les preuves de la méthodologie.
Les enjeux dans ce champ sanitaire sont majeurs puisque le diabète de type I est la troisième maladie chronique la plus fréquente chez les adolescents. Si l’on sait les effets bénéfiques du contrôle de la glycémie dans la prévention des complications à long terme du diabète, on connaît aussi d’une part, la difficulté qu’ont des adolescents en quête d’indépendance à faire avec la rigueur d’un traitement, d’un régime, du poids de l’étiquette diagnostique ; d’autre part, les spécificités physiologiques de l’adolescence marquée par une augmentation de la résistance à l’insuline. L’ambivalence caractéristique de cette période de la vie a déjà soulevé l’intérêt des praticiens en entretien motivationnel, et cette étude est particulièrement bien venue pour mettre au service de la clinique avec des adolescents porteurs d’une maladie grave, une rigueur méthodologique concluante.

L’objectif de l’étude était de vérifier l’effet de l’EM, comparé à une intervention contrôle (visites de soutien) sur un critère dur : l’évolution des concentrations sanguines en HbA1C, et sur des critères de fonctionnement psychosocial évalué à partir de questionnaires standardisés validés.

Les deux intervenantes (une pour chacun des deux bras de l’étude) travaillaient indépendamment des services de diabétologie où ont été recrutés les jeunes patients qui n’étaient, ni eux, ni leurs parents ou tuteurs légaux, ni leurs soignants, avertis du groupe de randomisation.

Les critères d’exclusion étaient peu nombreux : diagnostic datant de moins d’un an, incapacité d’apprentissage ou de compréhension, raisons médicales ou sociales prédominantes.

Dans le groupe EM, ce sont les principes motivationnels qui ont présidé à l’organisation. En effet, partant du principe que les séances sont conduites par les préoccupations des jeunes patients, on n’a pas cédé à la tentation de dérouler un contenu standard. L’intervention se basait donc sur le principe du menu d’options avec exploration des divergences entre les croyances et les comportements. La fréquence et les lieux de rendez-vous ont été laissés à l’appréciation des patients. L’adhésion de l’intervenante avec ces principes était contrôlée par une supervision sur le mode d’enregistrement aléatoire d’entretiens, réécoutés par des formateurs extérieurs.

L’intervenante du groupe contrôle bénéficiait du même type de supervision. Elle délivrait des interventions de type soutien psychologique non-directif centré sur la délivrance d’information, de soutien, d’apport éducatif. Le mode d’organisation des visites était plus structuré, avec des rendez-vous toutes les 6 à 8 semaines.

Les interventions se sont déroulées entre juillet 2002 et septembre 2003, le plus souvent au domicile des participants, parfois dans des cafés, ou des parcs et ont duré entre 20 et 60 minutes. Les entretiens se sont achevés au maximum à 12 mois. Le nombre moyen de visites a été de 6 pour le groupe contrôle et de 4 pour le groupe EM.

La mesure de la concentration sanguine d’HbA1C a été faite à l’inclusion puis à 6, 12 et 24 mois. Les questionnaires psychosociaux à l’inclusion et à 12 mois. Sur les 169 patients éligibles, les résultats portent finalement sur 66 participants dont 60 ont eu une HbA1C à 12 mois.
Sur le critère dur, les différences ont été significatives puisqu’à un an (avec maintien à deux ans) les concentrations sanguines moyennes d’HbA1C différaient dans les deux groupes (p = 0,04).

L’analyse des questionnaires psychosociaux ont montré des différences significatives à 12 mois entre les deux groupes (sur le mieux-être, la qualité de vie et les représentations personnelles de la maladie) (p<0,001). Comparé au groupe contrôle, les participants du groupe EM avaient moins de craintes, moins d’anxiété, et surtout percevaient leur diabète comme une chose sérieuse qu’il leur apparaissait nécessaire à apprendre à contrôler.

Cette étude montre de façon concluante et rigoureuse que l’EM peut être un moyen efficace de travailler avec les adolescents diabétiques, entraînant à long terme des améliorations du contrôle glycémique et de la qualité de vie. Elle est l’une des rares études utilisant la méthodologie d’un essai randomisé contrôlé pour objectiver l’apport d’une intervention psychosociale dans l’amélioration du contrôle glycémique d’adolescents, à deux ans. Elle confirme l’intérêt majeur de ce type d’intervention et par conséquent du style relationnel (replaçant le patient au centre des décisions le concernant) qu’elle sous-tend, et la nécessité de considérer leur développement parallèlement aux progrès pharmacologiques dans le traitement du diabète.

Une reproduction à plus grande échelle de ce type d’étude, devrait prendre en compte les quelques limites soulevées par les auteurs : l’éventuel effet-thérapeute induit par le tout petit nombre d’intervenants, une meilleure documentation des changements thérapeutiques (doses, fréquence et/ou nature d’insuline) ayant eu lieu durant la période d’étude, sélection d’adolescents selon leur degré de disposition au changement (reste là à trouver l’outil satisfaisant de mesure de disposition au changement).