L’esprit de l’entretien motivationnel

L’esprit qui sous-tend la pratique de l’entretien motivationnel est tout aussi important que la méthode. Il repose sur un certain nombre de valeurs et principes décrits ici. Comme le précisent William R. Miller et Stephen Rollnick, ceux-ci ne constituent pas un pré-requis à la pratique de l’entretien motivationnel, car les mettre en oeuvre pleinement est très difficile, l’oeuvre d’une vie. Ils sont le cadre de référence, la manière d’être vers lesquels tend chaque professionnel en pratiquant l’EM.

Le partenariat

Dans l’entretien motivationnel, le praticien évite la posture de l’expert qui dispense son savoir à une personne passive. À l’inverse, la relation est envisagée comme une collaboration dans laquelle chacun est acteur, et surtout expert. Le professionnel est expert dans son domaine, détenteur d’un savoir technique. La personne aidée est, elle, experte de sa situation. Elle se connait mieux que quiconque, elle sait ce dont elle est capable, ce qui est difficile pour elle, comment elle réagit dans certaines situations. Cette posture est essentielle, on ne peut pas contraindre une personne à prendre une décision et à s’y tenir, le changement ne pourra émerger que de sa motivation propre.

Cette posture est parfois radicalement opposée à celle enseignée aux jeunes professionnels, auxquels on apprend à fournir rapidement une réponse standardisée aux situations qui se présentent. S’inscrire dans une relation de collaboration requiert un nouvel apprentissage, dans laquelle il faudra prendre conscience de ses propres mécanismes et aspirations.

Le non-jugement

Le concept de non-jugement a des racines profondes dans le travail de Carl Rogers[ref to=1], et se décline selon quatre aspects, quatre attitudes que l’intervenant cherchera à intégrer.

Le premier aspect est le regard inconditionnellement positif, c’est-à-dire l’acceptation de l’autre tel qu’il est, et la croyance en sa capacité à évoluer. Porter ce regard positif et confiant sur la personne est très important pour lui permettre d’évoluer.

La seconde dimension est l’empathie approfondie. Par cette démarche, l’intervenant cherche à comprendre le cadre de référence de l’autre, à ressentir son monde intérieur. Cette posture aide à ne pas évaluer la personne depuis notre propre cadre de référence.

Le troisième aspect du non-jugement est le respect et le soutien de l’autonomie de la personne. Il a été montré que chercher à contraindre une personne, chercher à diriger son comportement, génère de la réactance psychologique, autrement dit le désir de restaurer sa liberté. À l’inverse, il convient de faire confiance à la personne dans sa capacité à se diriger elle-même vers une évolution positive.

La quatrième composante du non-jugement est enfin la valorisation. Elle consiste à rechercher et à reconnaitre les capacités de la personne et les efforts qu’elle fournit. Il s’agit bien d’une posture, une manière d’être et de communiquer, et non l’expression d’une appréciation personnelle.

 

L’évocation

Cette troisième composante de l’esprit de l’EM s’oppose à l’approche déficitaire où l’ on considère que la personne manque de compétences, de savoir, de motivation, et qu’il convient de combler ces lacunes. À l’inverse, l’entretien motivationnel s’appuie sur l’idée que la personne porte en elle les ressources pour résoudre son ambivalence et pour évoluer. Il revient à l’intervenant d’aider la personne à exprimer ces ressources.

 

L’altruisme

« Être altruiste, c’est promouvoir de façon active le bien-être de l’autre, donner la priorité aux besoins de l’autre »[ref to=2]. Cette composante de l’esprit de l’EM a été ajoutée aux 3 autres précédemment citées, parce qu’il est possible de mettre en oeuvre celles-ci dans une visée personnelle. Les auteurs prennent l’exemple d’un vendeur qui peut nouer une relation de partenariat avec son client, le faire évoquer ses besoins et désirs, respecter sa décision d’acheter ou pas, mais tout cela à des fins de profit personnel. L’approche motivationnelle est orientée vers la recherche du mieux-être de l’autre.

    Notes

    1. MILLER W.R., ROLLNICK S., L’entretien motivationnel – Aider la personne à engager le changement, trad. par LECALLIER D., MICHAUD P., Paris, InterEditions, 2013, p. 17
    2. Ibid., p. 21