« On devient toxicomane quand on n’a pas de fortes motivations pour se tourner vers d’autres directions […] J’ai sombré petit à petit en m’enfilant des doses quand je pouvais me le permettre. J’ai fini par être accro […] On ne décide pas de devenir toxicomane. » William S. Burroughs
« Il n’est pas motivé », entend-on souvent dire des patients souffrant d’un problème de dépendance. Il n’est pas rare que l’idée que je vais les motiver soit le motif de l’orientation du patient vers mon cabinet. Les entretiens motivationnels étant supposés créer cette motivation qui fait tant défaut chez le patient. En fait, Je constate bien souvent qu’à l’inverse de ce que l’on m’avait annoncé, ils ne sont pas sans motivation. La difficulté est qu’elle n’est pas toujours au service d’une modification de leur comportement ou qu’elle n’a pas suffisamment de force pour permettre un engagement dans le changement. Peut-être est-il préférable d’utiliser le pluriel, comme le fait Burroughs, pour évoquer cette notion de motivation. C’est sur des motivations qui me semblent agir les entretiens motivationnels.
Être abstinent n’est pas une activité passionnante dans laquelle nos sujets plongent à corps perdu. Peu de personnes s’engageraient dans le changement si l’objectif était de s’abstenir. Aider la personne à engager le changement consiste bien souvent à favoriser le développement d’autres motivations que celle de l’abstinence.
Une fois, le changement effectué, la poursuite du maintien est conditionné au renforcement des motivations intrinsèques mises à jour au cours des entretiens et qui ne sont pas associés au comportement abandonné. Ces « motivations tournées vers d’autres directions » sont parfois enfouies au plus profond du psychisme du sujet et nécessitent une exploration intensive pour les découvrir. C’est ici que réside, me semble-t-il, l’enjeu des entretiens motivationnels : dans la découverte de ces trésors engloutis qui ont sombré dans les flots de l’addiction.
« On ne décide pas de devenir toxicomane », nous dit le junky Burroughs. Nos patients ne décident pas d’être abstinent, ils le deviennent… entre autres choses.