Une nouvelle édition de l’ouvrage de référence sur l’entretien motivationnel écrit par les concepteurs de cette approche, William R. Miller et Stephen Rollnick, est aujourd’hui disponible en français. Comme l’écrivent les auteurs : « Le moment était venu de rédiger une nouvelle édition. Plus de 90 % de ce qui est écrit est nouveau. Cette édition propose l’explication la plus complète de l’EM à ce jour ». Nous leur cédons la parole pour présenter cet ouvrage (préface extraite du livre). Nous vous proposons également l’avant-propos des traducteurs de l’ouvrage, Philippe Michaud et Dorothée Lécallier, traducteurs des ouvrages précédents et co-fondateurs de l’AFDEM.
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L’ouvrage fait mention du jeu de carte des valeurs personnelles et d’une bibliographie actualisée :
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Préface des auteurs
Cette édition est éditée 30 ans après l’émergence de l’entretien motivationnel (EM). Le concept d’EM est né de conversations en Norvège en 1982, conversations qui ont conduit à l’article de 1983 dans lequel l’EM est décrit pour la première fois. La première édition de cet ouvrage, qui se centrait principalement sur les addictions, a été publiée en 1991. La seconde édition (2002), était un livre assez différent, qui abordait la préparation au changement dans une gamme assez large de problématiques. Venue encore une décennie plus tard, cette troisième édition est aussi différente de la seconde que celle-ci l’était de la première. Plus de 25 000 articles citant l’EM et 200 essais cliniques randomisés sur l’EM ont été publiés, la plupart depuis la seconde édition. La recherche a fourni une importante connaissance sur les processus et les résultats de l’EM, la psycholinguistique du changement, et la façon dont les praticiens apprennent l’EM.
Avec tous ces développements, il est devenu clair que le moment était venu de rédiger une nouvelle édition. La façon dont nous conceptualisons et enseignons l’EM a substantiellement évolué. Comme la seconde édition, celle-ci concerne la facilitation du changement pour divers sujets et dans différents contextes. Elle propose l’explication la plus complète de l’EM à ce jour, au-delà de ses applications plus spécifiques dans des secteurs particuliers qui sont abordés dans d’autres ouvrages (Arkowitz, Westra, Miller, & Rollnick, 2008; Hohman, 2012; Naar-King & Suarez, 2011; Rollnick, Miller, & Butler, 2008; Westra, 2012).
Presque tout est différent dans cette édition et plus de 90 % de ce qui est écrit est nouveau. Au lieu de décrire les phases et les principes de l’EM, nous décrivons dans cette édition les quatre grands processus compris dans cette approche – l’engagement dans la relation, la focalisation, l’évocation et la planification – autour desquels nous avons organisé le livre. Nous souhaitons que cette modélisation en quatre processus aide à clarifier la façon dont l’EM se déroule dans la pratique réelle. Nous explorons comment ces processus de l’EM peuvent être utilisés au cours du changement, pas seulement le changement de comportement. Nous avons intégré de nouvelles connaissances importantes sur les processus sous-jacents et sur la formation à l’EM. Nous avons explicité le discours-maintien comme opposé au discours-changement et l’avons différencié des signes de dissonance dans la relation d’aide, abandonnant ainsi notre concept de résistance. Nous abordons aussi deux situations particulières d’intervention qui différent quelque peu de l’EM traditionnel, tout en faisant appel à son cadre conceptuel et à ses méthodes : l’intervention neutre (Chapitre 17) et le développement de la divergence chez les personnes qui ne sont pas (encore) ambivalentes (Chapitre 18). Vous trouverez aussi de nouveaux exemples, un glossaire des termes utilisés en EM et une bibliographie actualisée1. Des ressources supplémentaires sont disponibles sur www.guilford.com/p/miller2. Nous avons volontairement donné la priorité à la pratique et aux applications de l’EM, et situé notre discussion sur l’historique, la théorie, les preuves scientifiques et l’évaluation de la fidélité au traitement à la fin de l’ouvrage.
Tout en en sachant beaucoup plus qu’il y a dix ans sur la méthodologie de l’EM, ce qui n’a pas changé (et ne doit pas) c’est l’esprit qui le sous-tend, l’état d’esprit et de coeur avec lequel il est pratiqué. Comme un thème musical avec ses variations, un motif constant court à travers ces trois éditions, même si les descriptions précises de l’EM évoluent avec le temps. Nous continuons à insister sur le fait que l’EM implique un partenariat collaboratif avec les clients, une évocation respectueuse de leur motivation propre et de leur sagesse, et une acceptation radicale que le choix de changer ou non appartient au final à la personne, sur la base de l’autonomie que l’on ne peut mettre de côté quelle qu’en serait parfois notre envie. Pour cela nous avons ajouté la notion d’altruisme comme quatrième élément de l’esprit fondamentalement humaniste avec lequel nous souhaitons que l’EM soit pratiqué. Erich Fromm a décrit une forme inconditionnelle et désintéressée d’amour qui cherche pour autrui le bien-être et la réalisation de soi. En éthique médicale on la nomme bienfaisance, metta dans le bouddhisme, hesed dans le judaïsme (une caractéristique de l’homme bon), rahmah dans l’islam, et agape chez les chrétiens du premier siècle (Lewis, 1960 ; Miller, 2000 ; Richardson, 2012). Quel que soit le nom qu’on lui donne, cela implique d’être en rapport avec ceux pour lesquels on travaille d’une façon décrite par Buber (1971) comme le Je-Tu et jamais comme avec des objets que l’on manipulerait (Je-Ça). Certains des processus d’influence interpersonnelle décrits en EM peuvent se produire (parfois sans en avoir conscience) dans les échanges quotidiens, et certains sont appliqués intentionnellement dans des contextes comme ceux de la vente, du marketing et de la politique, contextes où l’altruisme peut ne pas être central (bien que cela soit possible). En esprit, l’EM recoupe la sagesse millénaire sur la compassion et l’altruisme qui traverse le temps et les cultures et sur la façon dont les gens négocient les uns avec les autres sur le changement. C’est sans doute pourquoi les cliniciens qui font connaissance avec l’EM ont parfois l’impression de le reconnaître, comme si c’était quelque chose qu’ils avaient toujours su. Et c’est en quelque sorte le cas. Ce que nous avons cherché à faire avec l’EM c’est de le rendre définissable, transmissible, observable, et utile.
Choix de langage
L’EM est maintenant appliqué dans de nombreux champs professionnels différents. En fonction du contexte, ceux qui en bénéficient peuvent être considérés comme des clients, des patients, des étudiants, des professionnels en supervision, des consommateurs, des prévenus ou des résidents. De même, ceux qui le mènent peuvent être des intervenants, des éducateurs, des thérapeutes, des coaches, des praticiens, des cliniciens, des infirmières. Dans ce texte nous faisons parfois usage de termes spécifiques au contexte, mais la plupart de notre discussion sur l’EM peut être considérée comme générique et s’appliquer à différents contextes de pratique. Nous avons de fait adopté comme convention écrite de faire appel aux termes d’intervenant, de clinicien ou de praticien pour parler de ceux qui mènent l’entretien et au terme général de client ou plus simplement de personne pour ceux qui le reçoivent. Dans un souci d’homogénéité pour les nombreux exemples de dialogues cliniques, nous avons adopté les termes d’intervenant et de client quels que soient les contextes.
Les termes entretien motivationnel apparaissent plus d’une centaine de fois dans ce livre, et nous avons fait le choix de faire appel à leur abréviation EM plutôt que de les répéter à chaque fois. D’autres termes du langage courant ont des sens particuliers dans le contexte de l’EM. La plupart des lecteurs comprendront rapidement ces sens à partir de nos explications et du contexte et peuvent aussi consulter le glossaire en fin d’ouvrage en cas de doute.
William R. Miller et Stephen Rollnick
Avant-propos des traducteurs
Nos objectifs dans la traduction de cette nouvelle édition du manuel de Miller et Rollnick ont été la fidélité et la lisibilité, bien sûr, mais aussi de faciliter la découverte par le débutant, en explicitant au moins lors des premières occurrences ce que le souci de légèreté pourrait nous conduire à exprimer de façon plus elliptique. Comme l’expliquent ci-dessus les auteurs, le vocabulaire de l’EM a été modifié en anglais pour tenir compte des ajustements conceptuels et nous avons dû cette fois encore, après bien des échanges avec des collègues de l’Association francophone de diffusion de l’entretien motivationnel (AFDEM), fixer nos choix nouveaux pour le vocabulaire français. Cependant nous avons aussi tenu à rester en cohérence avec ceux des précédents ouvrages, notamment intervenant pour counselor et client pour… client, en demandant aux francophones de supprimer toute connotation commerciale à ce mot qui désigne chez Miller et Rollnick comme chez Rogers celui qui vient chercher de l’aide. Nous avons gardé aussi évocation pour la démarche qui consiste à solliciter le client pour expliciter ses arguments en faveur du changement et ses ressources propres, en se rapprochant du sens étymologique (faire sortir en appelant).
Dans le champ de l’esprit de l’EM, nous n’avons pas retenu tous les héritages des traducteurs de Rogers. Nous avons choisi pour le terme anglais acceptation l’expression non-jugement, pour absolute worth la valeur inconditionnelle, pour accurate empathy l’empathie approfondie. La compassion a été traduite le plus souvent, sauf dans les citations, par altruisme. Non que nous voulions travestir le sens spirituel que les auteurs donnent à leur démarche. Rollnick et surtout Miller vivent dans des sociétés où le religieux n’a pas le même statut que dans de nombreux pays francophones. Notre choix de ce terme d’altruisme (dû à Auguste Comte !) est justifié à nos yeux par le désir de ne pas provoquer de confusion chez le lecteur francophone entre la compassion, étymologiquement – comme la sympathie – sentiment de la douleur partagée, très connotée religieusement, et ce mouvement du sujet, loin d’être spécifiquement religieux, qui vise à l’engager en esprit et en acte au bénéfice du soulagement de l’autre. Le beau poème que propose Miller en fin du chapitre 2, « prière EM », illustre la place de la spiritualité dans sa démarche. Les agnostiques qui fréquentent nombreux les groupes Alcooliques Anonymes ne sont habituellement pas gênés par ce type de prière, capables qu’ils sont de transposer dans une vision plus laïque de la spiritualité.
Dans le champ cette fois des processus, nous avons repris le même mot pour l’anglais engagement, mais il fallait éviter la confusion avec le commitment : nous avons donc précisé pour le premier, l’engagement réciproque qui fonde la relation, engagement dans la relation ; pour le second, l’engagement du client dans le changement (commitment), engagement sans précision. En ce qui concerne focusing, nous avons choisi de garder la métaphore optique avec focaliser ou focalisation, (et quelquefois focus pour désigner le point focal, le foyer où tend la focalisation) comme nous avons choisi de conserver la métaphore musicale en traduisant discord par dissonance – en gardant dans le chapitre 18 l’expression dissonance cognitive (de Festinger), pour son sens très différent utilisé en thérapie comportementale cognitive, et guère en EM. Enfin, dans le même esprit, persistence est devenue maintien dans le changement, puisque le maintien sans précision décrit comme sustain le maintien dans le statu quo. L’ensemble du glossaire proposé par les auteurs en fin de volume est traduit avec les équivalents anglais, pour faciliter l’homogénéité du vocabulaire dans les traductions et publications ultérieures.
Cette traduction survient au moment où le dynamisme des formations données en français montre l’intérêt que l’EM suscite de jour en jour davantage dans l’espace francophone, comme le montre aussi le statut de best seller qu’avait acquis la précédente édition. Nous nous félicitons de ce succès pour les milliers de clients qui auront trouvé, grâce à cette diffusion, des intervenants plus attentifs à les guider respectueusement et efficacement dans un changement bénéfique.
D. Lécallier et P. Michaud, Maasser El Chouf, Gessenay, Baubigny, mai-juillet 2013
Mille mercis pour cette ouvrage qui permet aux francophones de bénéficier de toute la richesse de l’EM!
Merci pour votre diligence à rendre cette traduction disponible aussi rapidement!
Merci pour votre dévouement et votre merveilleux travail!
Juste une question. Pourquoi est-il indiqué que c’est la deuxième édition alors qu’il s’agit de la traduction de la troisième édition?
Merci et Joyeuses Fêtes!
Danielle Pinsonneault, Québec
Bonjour Danielle,
Pour répondre à votre question, il s’agit de la seconde édition en français, la première édition en anglais n’ayant pas été traduite.
Bien cordialement,
Arnaud Robin
Webmestre AFDEM