Lors de la conférence internationale sur la recherche à l’entretien motivationnel (ICMI 2012), plusieurs ateliers pré-conférence donnaient la possibilité aux participants d’approfondir leurs connaissances. Parmi ceux-ci, Terri Moyers et Denise Ernst ont présenté un atelier portant sur l’importance de la fidélité dans le traitement et la recherche en EM. Patrick Berthiaume nous en propose ici un résumé.
L’apprentissage et la mise en pratique de l’approche motivationnelle nécessite énormément de pratique et d’encadrement. Les revues de la littérature rapportent des écarts dans les résultats. L’analyse de ces écarts révèle bien souvent une difficulté d’appuyer l’évaluation de la formation et la conformité de l’application de l’approche. La recherche, en plus de continuer à démontrer l’efficacité de l’approche, cherche également à se concentrer sur l’intégration de celle-ci dans la pratique professionnelle.
Cet atelier a ainsi soutenu l’importance pour les praticiens de l’EM et, dans ce cadre, principalement ceux impliqués dans la recherche, à être bien supervisés et d’offrir un « coaching » permettant de réaliser au mieux leurs entretiens. En ordre d’importance il paraît essentiel de s’investir pour éviter le plus possible ce qui est non-adhérent à l’EM, pour par la suite se centrer sur la pratique des reflets complexes et de l’esprit de l’EM, ce qui est le meilleur prédicteur pour des résultats.
La supervision demeure essentielle pour amener le praticien aux standards souhaités par l’EM. Un obstacle régulièrement évoqué en supervision est cette difficulté à devoir, avec humilité, présenter des enregistrements d’entretiens effectués par le praticien. C’est pourquoi Mme Moyers encourage d’inclure l’écoute d’enregistrements lors de la formation et ce, peu importe l’origine de ceux-ci. Ainsi cette pratique permet de se familiariser à l’utilisation d’enregistrements. De plus, elle renforce l’idée que les premiers enregistrements devraient être faits avec des patients plus faciles (par exemple ceux ayant une plus grande aisance à s’exprimer), ou ceux avec lesquels la relation thérapeutique est particulièrement bonne.
Comparativement à la supervision, le « coaching » invite le praticien à reconnaître principalement sur quoi ce dernier aurait l’intérêt de se centrer pour viser une amélioration de sa pratique, afin que le « coach » puisse porter un regard attentif à cette compétence lors du soutien. Pour se rendre à un objectif d’amélioration, l’idée d’explorer comment le praticien envisage de mettre en application ses apprentissages a intérêt à être aussi abordée. Un des points importants serait de renforcer l’utilisation du reflet complexe. Voici un exemple que les présentatrices ont présenté pour illustrer cet apprentissage :
Patient : « Je n’ai pas envie de me retrouver dans une tente à oxygène »
Intervenant : « Tu n’as pas envie d’être pris à recourir à de l’oxygène »
Coach : « Est-ce que tu me permets une intervention ?»
Intervenant : « Oui bien-sûr »
Coach : « Qu’est-ce que signifie ce que le patient vient de dire ? »
Intervenant : « Il ne veut pas être malade »
Coach : « Donc que peux-tu lui dire ? »
Intervenant : « Tu ne veux pas être malade. »
Coach : « Comment rendre la chose plus positive ? »
Intervenant : « Tu as le souci d’être en santé pour profiter pleinement de la vie »
Avec les années la recherche en entretien motivationnel a pris une croissance impressionnante amenant les revues scientifiques à exiger une plus grande rigueur dans l’application et la maîtrise de l’entretien motivationnel. Les recherches doivent ainsi renforcer et démontrer l’intégration et la conformité de l’approche.
Plusieurs outils d’évaluations ont été élaborés et évalués pour permettre d’assurer de manière objective la pratique de l’entretien motivationnel (cf l’article rédigé précédemment sur ce sujet).
Un nouvel outil a fait son apparition, le Health coaching performance assessment (HCPA), qui sera présenté dans un prochain article. Cet outil peut soutenir la démonstration de l’application tant dans la supervision que dans la recherche. Toutefois que ce soit le MITI ou un autre système d’évaluation, la difficulté est qu’ils ne permettent pas de différencier une bonne pratique d’une excellente. C’est-à-dire identifier concrètement où l’on oriente l’amélioration d’une pratique.
Par ailleurs, les deux animatrices ont proposé une nouvelle échelle du MITI, qui a pour but de rendre compte de l’attention portée au discours-changement. En effet, ce type de langage, s’il n’est pas un indicateur de la fidélité à l’EM, l’attention que le clinicien lui porte l’est en revanche. Cette échelle a été traduite en français, avec l’autorisation des auteures, et peut être utilisée librement, sous réserve de ne pas l’employer en recherche, aucune étude de validité n’ayant été conduite pour l’heure. De plus il y a un manque d’outils évaluant la combinaison de l’EM avec une autre approche.
Plusieurs soutiennent que l’entretien motivationnel nécessite de désapprendre la manière dont ils ont appris à intervenir. Il est certain que l’apprentissage et l’intégration de cet art est différent d’une personne à l’autre. Il demeure que tant pour la recherche que pour sa propre pratique professionnelle cet atelier a remis en lumière l’importance d’être soutenu dans cet apprentissage. Plusieurs modes d’évaluation de la pratique existent et il est important de s’y appuyer entre autres en recherche pour assurer la conformité de la pratique.
Patrick Berthiaume